La vente des joyaux de la couronne de France : un trésor national dispersé

« Les joyaux de la couronne de France, symboles du pouvoir royal et de l’éclat de la monarchie française, ont traversé les siècles et marqué l’Histoire. Pourtant, suite aux bouleversements politiques et économiques, ces trésors inestimables ont connu un destin inattendu : leur vente et leur dispersion aux quatre coins du monde.  En ces temps où l’inaliénabilité des œuvres conservées dans les collections publiques est menacée, il peut être utile de rappeler, à l’aide des travaux de M. Bernard Morel, la déplorable vente des diamants de la Couronne de France organisée par l’Etat en 1887. Elle amputa le patrimoine national. Plongez au cœur de cette histoire fascinante et découvrez comment et pourquoi ces joyaux ont été vendus, les conséquences de cette dispersion, ainsi que le patrimoine culturel et artistique qu’ils représentent aujourd’hui. 

JOYAUX DE LA COURONNE HISTORIQUE

Les Joyaux de la Couronne, un trésor de 22 000 onces d’or et de 6000 diamants, a été créé en 1530 par François Ier, roi de France, avec l’aide du banquier italien Agostino Chigi. Cette création fut motivée par la volonté de François Ier d’éviter à la France d’avoir des dettes et d’être indépendant économiquement. À l’époque, la France était endettée à hauteur de 13 millions de livres tournois, une somme considérable qui pesait lourdement sur les finances du royaume. François Ier décida donc de créer un trésor en or et en bijouterie, composé de joyaux issus des plus grandes résidences royales et des dons de nobles et de courtisans. Il fut constitué principalement des bijoux d‘Anne de Bretagne, qu’elle avait elle-même hérité de sa mère Marguerite de Foix.

Les Joyaux de la Couronne étaient destinés à servir de garantie pour les dettes du royaume et à assurer l’indépendance financière de la France. Cependant, ce projet resta secret pendant longtemps et ne fut révélé qu’en 1774, lorsque le roi Louis XVI ordonna l’inventaire des biens royaux. Les Joyaux de la Couronne sont aujourd’hui conservés au Trésor national de la Banque de France et sont considérés comme l’un des trésors les plus prestigieux du monde

« Joyaux de la Couronne de France » exposés dans la « Galerie d’Apollon » du Louvre, mai 2024. Détournements mineurs

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La collection des Diamants de la couronne a été délibérément conçue en 1530 par le roi François Ier, afin que jamais le royaume de France ne soit endetté, qui a isolé un petit groupe de huit pierres ou bijoux en sa possession et les a déclarés inaliénables. Ils ont été inventoriés comme suit: « Voici les anneaux que le roi François Ier de ce nom a donnés et donne à ses successeurs à la couronne de France et qu’à chacun une mutation, l’inventaire de ceux-ci ensemble leur appréciation qu’ils doivent vérifier en leur présence, afin qu’ils donnent leurs lettres patentes obligatoires pour les conserver à leurs successeurs à la couronne. « Les pierres étaient parfois mises en gage mais étaient toujours reprises dans le trésor royal.

LE VOL DES BIJOUX DE LA COURONNE

 Le trésor fut diminué par le fameux vol qui eut lieu, dans la semaine du 11 au 17 septembre 1792, à l’hôtel du Garde-Meuble de la Couronne, à Paris, où il était conservé.

Dans la nuit du 16 au 17 septembre 1792, à Paris, une patrouille de police arrête une poignée de malandrins devant le Garde-Meuble national où sont exposés le mobilier et les joyaux de la Couronne, à l’angle de la place de la Concorde et de la rue Saint-Florentin (l’actuel Hôtel de la Marine).
Elle découvre sur eux quelques mauvais diamants. Une enquête rapide montre alors que d’autres joyaux autrement plus précieux, les Joyaux de la Couronne, ont été posément dérobés dans les jours précédents. Parmi eux de fameux diamants : le « Grand Diamant Bleu », le « Régent » ou « Pitt » qui sera retrouvé plus tard, le « Sancy », le « Miroir du Portugal ».
C’est ainsi qu’éclate l’affaire du « Vol du Garde-Meuble » dans une capitale enfiévrée par la chute de la monarchie et les massacres de Septembre. Dix sept seconds couteaux sont rapidement jugés et cinq exécutés sous l’inculpation de menées contre-révolutionnaires.
Mais très vite des rumeurs courent sur les commanditaires du vol et l’on suspecte rien moins que les ministres girondins d’y avoir trempé. Parmi eux le ministre de l’Intérieur Roland et le ministre de la Justice Danton qui aurait fait remettre quelques joyaux au duc de Brunswick, commandant des troupes d’invasion prussiennes, pour le convaincre de se retirer. La victoire française de Valmy en serait la conséquence mais tout cela n’est qu’hypothèse…

Mais il fut à nouveau augmenté sous Napoléon, de sorte qu’il comprenait, en 1814, 65 072 pierres et perles, la plupart montées en bijoux, soit 57 771 diamants, 5 630 perles et 1 671 pierres de couleur (424 rubis, 66 saphirs, 272 émeraudes, 235 améthystes, 547 turquoises, 24 camées, 14 opales, 89 topazes).

Sh Mis à l’abri pendant la guerre de 1870, les diamants de la Couronne sont exposés avec succès à Paris en 1878, à l’occasion de l’Exposition universelle, puis en 1884, au Louvre, dans le salon d’apparat, mais déjà ils sont menacés non par la cupidité, mais par la haine de la monarchie. La République, encore fragile, veut priver à jamais les prétendants de la possibilité d’utiliser les diamants de la Couronne. L’adversaire le plus efficace de ces derniers fut le fils de Raspail, le député Benjamin Raspail. Il déposa à la Chambre en 1878 une motion en faveur de la vente, qui ne fut approuvée en juin 1882 que par 342 voix contre 85. Et voici comment la France démarra sa dette!

« Parure de la Reine Marie-Amélie » en saphirs du Sri Lanka et diamants (circa 1810-25) présentée avec les « Joyaux de la Couronne de France » à la Galerie d’Apollon réouverte, Le Louvre, février 2020.

A cette époque [En 1882] la collection, riche de 77 486 pierres et perles, comprenait deux groupes de bijoux : le premier, le plus ancien, datant de la Restauration et le second exécuté sous le Second Empire, les Diamants de la Couronne n’ayant pas été utilisés sous la Monarchie de Juillet. Sous la Restauration, Louis XVIII rapporta pour ses nièces, la duchesse d’Angoulême et la duchesse de Berry, les garnitures exécutées pour l’impératrice Marie-Louise, seconde épouse de Napoléon 1er : ainsi la vente de 1887 comporta-t-elle les parures de la duchesse d’Angoulême, la parure de rubis et de diamants, l’ornement de saphirs et de diamants, la parure de turquoises et de diamants, et le diadème d’émeraudes et de diamants exécutés pour ces princesses, qui avaient également servi l’impératrice Eugénie. 

La « broche reliquaire » et une broche de corsage réalisée pour l’impératrice Eugénie et destinée à être portée à l’Exposition universelle de 1855.
L’empereur Napoléon III a fait remonter certaines des pierres précieuses des joyaux de la couronne française pour créer des objets pour sa femme. La « broche reliquaire » contient deux des dix-huit diamants « Mazarin » légués par le cardinal Mazarin au roi Louis XIV en 1661. La broche de corsage a été commandée par l’impératrice à son bijoutier officiel, François Kramer. Elle contient 2 348 diamants taille brillant et 196 diamants taille rose sertis dans de l’argent doublé d’or.

Quant aux bijoux créés sous le Second Empire, ils débordent d’opulence et d’imagination. C’est surtout à l’occasion de l’Exposition universelle de 1855 que Napoléon III fit réaliser par les plus grands joailliers parisiens de magnifiques bijoux : une couronne pour lui, dont la monture fut brisée et fondue lors de la vente, une couronne pour l’impératrice, des bijoux clinquants pour celle-ci, dont un nœud de ceinture en diamants se terminant par deux glands et une parure de feuilles de groseillier, comprenant une guirlande servant de collier, un corsage et un devant de corsage. D’autres œuvres admirables ont été créées dans les années suivantes, comme le peigne à pendentifs en diamants (1856), le diadème russe (1864), le diadème grec (1867). On aurait pu tout refaire…

La vente eut lieu au Louvre, dans la salle des États, en neuf vacations, du 12 au 23 mai 1887. Ce fut un échec financier. L’apparition sur le marché d’une telle quantité de pierres ne pouvait que les déprécier. La provenance historique des pièces, si importante commercialement aujourd’hui, n’était pas prise en considération. La collection vendue était estimée à environ 8 000 000 d’or. Elle a été mise à prix à 6 000 000 F. L’Etat ayant versé 293 851 F. pour organiser la vente, la recette réelle ne s’est élevée qu’à 6 927 509 F. Décevante pécuniairement, la vente a été désastreuse sur le plan historique, sur le plan minéralogique, compte tenu de la qualité de certaines pierres aujourd’hui introuvables, et sur le plan artistique, tant de chefs-d’oeuvre de la joaillerie française disparaissant en même temps. Car tout a contribué à faire perdre aux pierres leur identité : pour faciliter les achats, les éléments des bijoux de la Restauration ont été vendus séparément, les décors de Napoléon III ont été démontés, l’ornement des feuilles de groseillier a été dispersé. Les acheteurs étaient principalement des joailliers (Boucheron, Bapst Frères, Tiffany etc.), qui ont fini de découper la plupart des bijoux pour réutiliser les pierres. « 

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“Diadème de la Duchesse d’Angoulême » de Jacques-Evrard Bapst en diamants et émeraudes (1819-20)

 Il ne reste plus qu’à tenter d’évoquer ce qu’a été le trésor qui a accompagné l’histoire de France. C’est l’une des missions que s’est donnée le Louvre: réintégrer dans les collections nationales les joyaux qui ont pu subsister, chaque fois que cela est possible. [Extraits d’un article de Daniel Alcouffe publié le mercredi 23 janvier 2008 sur le site de la Tribune de l’art. La conséquence logique fut la destruction totale des palais des Tuileries, de Saint-Cloud, qui auraient pu être reconstruits…

Sources

Sources historiques:

1. Diderot, Denis,  »Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers ». Paris, 1751-1780. Disponible sur Gallica à : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2021444

2. Bapst, Germain,  »Histoire des joyaux de la couronne de France ». Hachette, Paris, 1889. Disponible sur Gallica à : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6470523q

3. Farge, Juliette,  »La dispersion des joyaux de la couronne sous la Révolution française ». Revue de l’Institut Napoléon, 1958, no. 71. Disponible sur Persée à : https://www.persee.fr/doc/inapo_0763-8991_1958_num_71_1_1492

Sources littéraires :

1. Hugo, Victor.  »Les Misérables ». Paris, A. Lacroix, Librairie internationale, 1862.

2. Balzac, Honoré de.  »Splendeurs et misères des courtisanes ». Paris, Delloye et Lecoultre, 1843.

Sources cinématographiques :

1.  »Marie-Antoinette », réalisé par Sofia Coppola, avec Kirsten Dunst dans le rôle de la reine. Sorti en 2006. 2.  »Le Collier de la Reine », réalisé par Marcel L’Herbier, sorti en 1946.

Sources picturales :

1. Tableau de François Gérard,  »Le Sacre de Napoléon ». 1807. Musée du Louvre, Paris.

2. Tableau de François Clouet,  »Élisabeth d’Autriche, reine de France ». Vers 1571. Musée du Louvre, Paris.

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