Au tournant du XVIe siècle, la France était le théâtre d’un scandale royal qui bouleversa le pays et marqua l’histoire : la répudiation de la reine Jeanne de France et le mariage controversé de Louis XII avec Anne de Bretagne. Cette histoire passionnante et captivante met en lumière les intrigues qui entouraient la vie des monarques de l’époque et soulève des questions sur les enjeux politiques et le statut des femmes.
Dans cet article, nous allons explorer les raisons qui ont conduit Louis XII à répudier sa première épouse, Jeanne de France, pour épouser Anne de Bretagne, un mariage qui marqua la naissance d’une alliance cruciale pour le royaume. Naviguant entre les sources historiques, littéraires et cinématographiques, nous nous plongerons au cœur de cette période tumultueuse et passionnante de l’histoire de France.
Jeanne de France, née le 23 avril 1464 à Nogent-le-Roi, est une figure fascinante de l’histoire française, familièrement connue comme Jeanne de Valois. Fille du roi Louis XI et de Charlotte de Savoie, son existence est marquée par une difformité physique qui la fit être surnommée » Jeanne la boîteuse » et également par des événements historiques significatifs, notamment son mariage avec Louis XII et son engagement religieux.
Jeanne grandit dans un contexte royal, où elle est éduquée selon les normes strictes de la cour de France. En 1476, elle est mariée à Louis XII, alors duc d’Orléans. Ce mariage avait une dimension politique, visant à renforcer les alliances entre les maisons royales. Toutefois, la relation entre Jeanne et Louis XII est rapidement fragile. Louis XII, avec l’aspiration de renforcer son pouvoir, désire épouser Anne de Bretagne, ce qui rend la vie conjugale de Jeanne difficile.
À la mort de Charles VIII en 1498, Louis XII devient roi de France. Le besoin de rompre son mariage avec Jeanne pour épouser Anne de Bretagne devient une nécessité politique. En 1498, le pape autorise l’annulation du mariage, permettant ainsi à Louis d’épouser Anne et de réaliser ses ambitions politiques en Bretagne. Jeanne, bien que répudiée, se retrouve honorée et finira sa vie au couvent.
Le 17 décembre 1498, un tribunal ecclésiastique déclare nul et non avenu le mariage de Louis XII avec Jeanne de France. Après 22 ans de vie conjugale, il se débarrasse enfin de son épouse bossue et stérile, fille de Louis XI. Il est désormais libre d’épouser Anne de Bretagne, veuve du maladroit Charles VIII qui s’est tué quelques mois plus tôt en se cognant la tête contre un chambranle de porte. Anne n’est pas seulement canon, mais cette union maintient le duché de Bretagne dans le giron de la France. Anne de Bretagne, longtemps oubliée et redécouverte, est une exception dans le royaume de France puisqu’elle fut la seule à être deux fois Reine de France.
Pour obtenir la dissolution de son mariage auprès de Rome, Louis XII affirme qu’après 22 ans de mariage, il ne l’a toujours pas consommé, et ce, pour la bonne raison que Jeanne est « vicieuse de corps », ce qui la rend inapte à « recevoir la semence virile ». Conciliant avec le nouveau roi de France, le pape Alexandre VI accepte de mettre en place un tribunal ecclésiastique dont tous les juges sont des proches de Louis XII. L’annulation ne devrait être qu’une formalité, mais Jeanne refuse d’être jetée comme une vieille chaussette. Malgré sa grande innocence, elle sait. Ils ont fait l’amour. Elle peut le jurer.
Le procès commence le 10 août 1498, à l’église Saint-Gatien de Tours. Pour demander l’annulation du mariage, les avocats du roi invoquent finalement quatre arguments. Un, le défaut d’âge lors du mariage (elle a 11 ans et lui, 13). Deux, la contrainte : Louis XI impose le mariage malgré l’opposition du jeune marié et de sa mère, effrayées par la difformité physique de la jeune fille. Trois, la parenté spirituelle et la consanguinité : les deux prétendants ont de nombreux ancêtres communs. Quatre, l’impuissance sexuelle de la princesse. Cet dernier argument étant le plus important. Mais attention, à l’époque, l’infertilité ne suffit pas à déclarer l’annulation d’un mariage. La mariée doit avoir été ensorcelée ou une mauvaise configuration sexuelle doit interdire l’acte.
Les trois avocats chargés de défendre Jeanne abandonnent le procès les uns après les autres, car ils ont trop peur d’affronter la volonté du roi. Pour en trouver d’autres, il faut recourir à la menace. L’interrogatoire de Jeanne commence le 13 septembre. Ensuite, les témoins parlent. Plusieurs dizaines, à la solde du roi, affirment que le mariage a eu lieu sous la contrainte.
Les quelques témoins appelés à la barre par Jeanne se retournent contre elle. De plus en plus, le procès semble manipulé. C’est tellement évident et scandaleux que l’opinion publique se dresse en faveur de la reine. Les avocats du roi évoquent alors un sort qui aurait noué les « aiguillettes » du roi, l’empêchant de procréer. Elle jure que le mariage a été consommé. Son avocat fournit des détails croustillants, mais en latin pour que les vulgaires ne comprennent pas. Il parle de nuits chaudes où « seul, nu, pour rendre le devoir conjugal par union charnelle… avec des rires, des baisers, des câlins et d’autres signes de désir ». L’avocat rappelle que Louis a témoigné devant le témoin : « J’ai bien gagné car j’ai monté ma femme cette nuit-là trois ou quatre fois. »
En difficulté, le roi témoigne sous serment que, s’il a partagé le lit de sa femme, il ne l’a jamais touchée. Mais il donne l’impression d’hésiter. À qui croire ? C’est parole contre parole. Il y a un moyen de démêler la situation : que Jeanne se laisse examiner par des matrones pour vérifier sa virginité. Mais elle refuse deux fois. Par peur d’être trouvée fautive ? Ou craint-elle un faux témoignage de ces femmes à la solde du roi ? Le procès s’étire en longueur. Une épidémie de peste le force à déménager à Amboise.
Le 10 novembre, une lettre prétendument écrite par Louis XI apparaît opportunément pour apporter de l’eau au moulin de Louis XII. L’ancien roi confirme que Louis aurait risqué la mort s’il avait refusé d’épouser Jeanne. Cette lettre indique en outre que Louis XI savait que sa fille était stérile et qu’en la mariant à son cousin, il aurait éteint la postérité de la branche des Orléans de Milan et descendants de la puissante famille Visconti ! La lettre est-elle authentique ? Tous les vieux serviteurs jurent que oui, mais leur empressement semble suspect.
Par la suite, Louis XII jure sur l’Évangile qu’il n’a jamais été avec elle comme avec sa femme, « ni ne s’est efforcé de la connaître par affection maritale ». Il ajoute qu’il « pensait ne l’avoir jamais vraiment connue… et jamais dormi avec elle nue ». Les juges attendaient cela. La proclamation officielle de l’annulation du mariage entre Louis XII et Jeanne de France a lieu le 17 décembre 1498 dans l’église de Saint-Denis d’Amboise. Une foule hostile au roi de France entoure l’édifice. Une tempête inhabituelle en cette saison est interprétée comme la manifestation de la colère de Dieu. Le lendemain, César Borgia, fils du Pape, arrive à point nommé avec les bulles de dispense papale pour le mariage de Louis XII avec Anne de Bretagne. En remerciement, il reçoit le Valentinois érigé en duché.
Louis XII est follement amoureux d’Anne de Bretagne, mais leurs ébats passionnés ne lui assureront jamais d’héritiers mâles, seulement deux filles. Claude de France, qui épousera son cousin François Ier, et Renée de France, qui épousera Hercule II d’Este, duc de Ferrare. Finalement, après la mort d’Anne de Bretagne, Louis XII se remarie pour la troisième fois avec Marie Tudor, fille du roi d’Angleterre. Une jeune fille qui l’épuise et même, dit-on, le tue au lit. Trois mois plus tard, il meurt sans avoir eu le temps de la mettre enceinte. C’est son cousin et gendre François qui monte sur le trône.
Quant à Jeanne, après l’annulation de son mariage, elle poursuit sa vie de prières et de dévotions. Elle n’a jamais eu un mot méchant contre son ex-mari, ni même contre sa famille ou les personnes se moquant de son apparence physique. Elle fonde l’ordre monastique de l’Annonciade à Bourges avant de mourir, six ans plus tard, à seulement 40 ans. Elle a été béatifiée en 1745, puis canonisée en 1950.
Voici quelques sources historiques, littéraires et cinématographiques sur le sujet de la répudiation de Jeanne de France et le mariage d’Anne de Bretagne :
1. Sources historiques :
– « Deux reines de France: Anne de Bretagne et son époque » par Elie Berger (1890)
– « Les femmes dans la vie de Louis XII: Jeanne de France, Anne de Bretagne » par Pauline Pucciano (2016)
2. Sources littéraires :
– « La Reine des Quatre Royaumes: Jeanne de France, Louis XII et Anne de Bretagne » par Philippe Alexandre (2012)
– « Anne de Bretagne: La reine usurpée » par Nicole Avril (1999)
– « Le miroir des Dames: Anne de Bretagne, Jeanne de France et l’élaboration de l’autorité » par Laurence Delrue (2015)
3. Sources cinématographiques :
– « Anne de Bretagne » réalisé par Nina Companeez (2014) : téléfilm consacré à la vie et au règne d’Anne de Bretagne, qui couvre également le mariage et la répudiation de Jeanne de France.
– « Les Rois maudits » réalisé par Josée Dayan (2005) : série TV basée sur l’œuvre littéraire de Maurice Druon, qui met en scène les rivalités dynastiques de la fin du Moyen Âge et inclut de manière indirecte l’épisode de la répudiation de Jeanne de France.
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Louis XII de France un roi humaniste et conquérant
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